Qu'avons-nous fait de nos A.O.C ?

En deux jours de vie professionnelle je viens d'avoir l'occasion de débattre de la notion d'Appellation d'Origine Contrôlée dans des environnements bien différents.

Dimanche : je reçois un groupe de passionnés en botanique, géologie et bien sûr en vin de Bourgogne. Rien de tel pour comprendre l'aspect géologique du terroir que de se promener dans une parcelle fraîchement défoncée, où affleure la roche mère. Après avoir foulé la terre, nous sommes descendus sous terre. Le verre à la main, c'est en cave que nous avons pu constater les nuances entre les vins provenant des différentes parcelles de vignes visitées quelques heures plus tôt.

Face à ces réalités physiques et gustatives, les questions de mes hôtes ont été immédiates : Pourquoi toute cette diversité? Comment cela a-t-il été conservé dans le temps ?

Et moi d'expliquer la grande histoire de la viticulture française, avec ses malheurs et ses heures de gloires, et l'invention par un petit groupe d'hommes, viticulteurs, élus locaux et grands commis de l'Etat, de la géniale notion d'AOC, véritable pépite de l'agriculture française.

Depuis le début des années 1900, les vignerons se sont battus pour faire vivre cette idée d'AOC. Pour mon père, et sa génération, faire vivre les vins de SANTENAY, c'était : mise en bouteille au domaine et recherche de clients pour prendre son indépendance par rapport au négoce local, traditionnel metteur en marché de nos vins. Pour cette génération de l'après-guerre, SANTENAY c'était une responsabilité collective que l'on cherchait à faire connaitre à l'extérieur, c'était une propriété collective que l'on faisait vivre au cours de ces longues réunions de tractation au sein du Syndicat d'Appellation qui réunissait tous les vignerons du village, les grands comme les petits, avec une voix délibérative pour les petits comme pour les grands, et où naissaient des caractères capables de transcender les différences pour faire vivre cette part d'humanité.

Lundi, changement de décor : Un grand nombre de responsables viticoles de Côte d'Or sont réunis pour débattre de l'avenir de notre métier et plus particulièrement de la mise en place sur nos appellations de cahiers des charges. Ces derniers définissent des règles de productions précises qui seront par la suite contrôlées par un organisme indépendant. Vous aviez dans la salle des vignerons et vigneronnes produisant les plus grands vins du monde, sur des terroirs et un territoire qui font encore rêver le monde entier.

On pouvait imaginer que tout ce beau monde allait débattre vigoureusement de questions fondamentales, du genre : Faut-il interdire les pesticides sur les Appellations Grands Crus et Premiers Crus ? Quel est le rendement optimum pour avoir une expression maximale des caractéristiques du Pinot Noir en Bourgogne ? Faut-il contrôler le travail à la vigne ou déguster le produit fini pour satisfaire au mieux le consommateur ? Tous les outils de l'œnologie moderne peuvent-ils être utilisés sur nos vins de terroirs sans les dénaturer ?

Et bien non. Nos responsables syndicaux se sont déchirés toute une soirée pour savoir la meilleure façon de s'opposer à toute évolution réglementaire qui viendrait entraver leur volonté de vignerons indépendants et dynamiques !

Pour cette génération de vignerons qui baigne dans l'individualisme, s'éprend de libéralisme, alors qu'elle est en pleine situation monopolistique, l'AOC n'est plus synonyme d'avenir collectif. Prisonnière qu'elle est entre les exigences commerciales du monde entier, les coûts exorbitants du foncier qu'il faut toujours rembourser à quelqu'un, que ce soit la famille ou le Crédit Agricole, elle n'a plus le temps de faire émerger les leaders qui feraient la synthèse des antagonismes modernes.

Amis vignerons, qu'avons-nous fait de nos appellations ?

Tristes rentiers d'une géniale création de nos grand-pères, en serons-nous les fossoyeurs bien élevés ou aurons-nous la force de la création pour montrer aux générations futures que le vin n'est pas seulement une boisson commune mais également un lubrifiant social!

Jean-François et Yvette Chapelle

 

CHAPELLE : Le Haut-Village, 21500 Santenay
Téléphone: 03 80 20 60 09 - Fax: 03 80 20 61 01
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